Produits ou services contrefaisants : la responsabilité de l’annonceur et de l’agent en publicité


Aux termes de l’article 30 de la loi n° 2020-522 du 16 juin 2020 portant régime juridique de la communication publicitaire. « Toute publicité de produits illégaux, notamment des produits de contrefaçon ou de contrebande, est interdite. De même est interdit le message publicitaire portant sur les produits et services faisant l'objet d'une interdiction en vertu de dispositions législatives et réglementaires. »





La notion de produits ou services « illégaux » peut être vaste et comprend notamment les produits contrefaisants ou de contrebande, ceux qui constituent des imitations de produits appartenant à des tiers, ceux dont la publicité est interdite, tels que le tabac, les stupéfiants, les médicaments, morgues et effets mortuaires, cliniques et hôpitaux (mais si, mais si…), armes, explosifs et tous produits « conçus pour causer la mort ou susceptibles de porter atteinte à l'intégrité physique des personnes humaines »[1].





Il n’est pas rare de voir des messages publicitaires sur des supports variés (véhicules, enseignes commerciales, tracts, sites internet, réseaux sociaux) vantant tel produit contrefaisant ouvertement ou subtilement une marque ou imitant un produit appartenant à un tiers, et dont le fabriquant recherche par parasitisme, à se placer dans le sillage d’un produit ou d’une marque antérieure, afin de profiter indûment de leur notoriété et des investissements de leurs titulaires.





Qu’il s’agisse de publicité directe (effectuée par le producteur ou distributeur lui-même) ou en recourant à un agent en publicité, cette activité est strictement interdite et fortement réprimée puisqu’elle constitue un triple délit :






  • D’atteinte à l’objet du message publicitaire, tel que « marque de fabrique, de commerce ou de services, du nom commercial ou de tout autre signe distinctif. » En effet : « Est puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 2.000.000 à 20.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque contrevient aux dispositions de la section 1 du chapitre 4 de la présente loi. » [2]




  • De publicité de produits illégaux : « Est puni d'un emprisonnement de deux mois à quinze mois et d'une amende de 2.000.000 à 15.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque diffuse un message publicitaire portant sur des produits illégaux, contrefaits ou de contrebande. »




  • De publicité mensongère au trompeuse: « Est punie d'un emprisonnement de deux mois à quinze mois et d'une amende de 2.000.000 à 15.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne reconnue coupable de publicité mensongère ou trompeuse. »[3]





Il s’agit en effet d’«induire le consommateur en erreur ou à créer le doute ou la confusion dans son esprit »…sur la nature, la composition, la qualité, la teneur, en l'espèce, la quantité, le mode et la date de fabrication, les propriétés, les prix et les conditions d'utilisation ; les motifs ou procédés de la vente ou de prestation de service, la portée des engagements pris par l'annonceur, l'identité, les qualités ou les aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ; »





Logiquement, c’est l’annonceur qui endosse la responsabilité pénale de cette infraction à titre principal, celle de l’agent en publicité pouvant être retenue également au même titre s’il est prouvé qu’il a agi de mauvaise foi[4], le tout sans préjudice de l’application des règles relatives à la complicité.





Le contrat de publicité étant un contrat d’entreprise dans lequel l’agent en publicité est tenu personnellement et dans le cadre d’une obligation de résultat, de garantir à l’annonceur la sécurité juridique de ses prestations y compris contre les recours des tiers, ce professionnel devrait s’assurer de la licéité des produits ou services pour lesquels ils est sollicité ainsi que de l’existence des droits détenus par les annonceurs sur ceux-ci, qu’ils agissent en tant que titulaires, distributeurs, licenciés etc. A cet égard, il est utile d’exiger, outre la documentation relative à la certification[5] ou l’autorisation de commercialisation du produit concerné, le certificat d’enregistrement et de renouvellement de la marque objet du contrat publicitaire, du contrat concédant les droits sur la marque ainsi que de la preuve de son inscription et de sa publication à l’OAPI. Il faut également s’assurer que les produits promus ne sont pas susceptibles d’être confondus avec ceux d’un tiers et ne constituent pas en eux-mêmes la reproduction de ceux-ci, de leur aspect extérieur ou d’autres signes distinctifs d’entreprise, faute de quoi ils tomberaient dans la catégorie de produits illicites au titre de la concurrence déloyale.





L’Annexe VIII de l’Accord de Bangui indique en ses articles 2 à 5 qu’un acte de publicité peut constituer un acte de concurrence déloyale par confusion, atteinte à l’image, tromperie ou dénigrement. De tels actes sont susceptibles de mesures conservatoires prises ex-parte tendant à mettre fin au trouble anormal qu’ils induisent (suspension, interdiction), se traduisant pour une campagne publicitaire par son interruption et le retrait pur et simple des annonces quelle qu’en soit la forme, par des sanctions pénales[6] et l’indemnisation du préjudice occasionné par la condamnation au paiement de dommages et intérêts.










[1] Cf. articles 40 et 41





[2] Cf. Article 17 et 112





[3] Cf. Art. 110.





[4] Cf. Art. Ill. - Le délit de publicité mensongère ou trompeuse est constitué dès lors que la publicité est faite, reçue ou perçue en Côte d'Ivoire. L'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée, est responsable de l'infraction commise. Toutefois, la responsabilité de l'agence conseil en communication conceptrice du message incriminé, est retenue s'il est prouvé qu'elle a agi en connaissance de cause.





[5] Vérifier la conformité aux normes d’application obligatoire exigées pour une catégorie de produits dont les produits alimentaires, cosmétiques, etc. Décret 2016-1152 du 28/12/2016 rendant certaines normes d’application obligatoire.





[6] Cf. Article 344 du Code pénal : Est puni d’un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs ou de l'une de ces deux peines seulement celui qui détourne la clientèle d’autrui en matière civile, commerciale ou industrielle.










Marques : attention aux indications géographiques trompeuses.









Malgré les règles strictes encadrant l'enregistrement des marques, la tentation des marketeurs est grande et ils n'y résistent pas longtemps, de baptiser tel produit ou service du nom d'un endroit célèbre et s'approprier ainsi, par un parasitisme facile et confortable, la renommée et le prestige de ce lieu, au risque, souvent méconnu d'ailleurs, d'entraîner leurs clients dans des difficultés sans nom...


Sur l'utilisation ou la référence à un lieu à titre de marque, l’article 3 Annexe III de l’accord de Bangui précise déja : « Une marque ne peut être valablement enregistrée si ... elle est susceptible d'induire en erreur le public ou les milieux commerciaux, notamment sur l'origine géographique, la nature ou les caractéristiques des produits ou services considérés ;"


Par exemple, la marque "Assinie", enregistrée à l'OAPI sous le numéro 090684, constitue la reproduction servile du nom d'une localité du sud-est de la Côte d'Ivoire, relevant du département d'Adiaké, dans la Région du Sud-Comoé. Cette commune, située à 94 km à l'est d'Abidjan, est une station balnéaire réputée et huppée abritant des réceptifs hôteliers et résidences privées de luxe. Son nom projette sans doute une image enviable, au point qu'un producteur d'eau minérale a choisi de se l'approprier comme marque pour désigner son produit.


La première difficulté, évidente, est que l'appropriation du nom d'une localité interroge quant à sa disponibilité et à la faculté de ses autorités de s'y opposer, si celle-ci est survenue sans leur consentement. Mais encore faudrait-il que les collectivités territoriales aient connaissance de leurs droits en la matière et aient une volonté de les protéger et, surtout de les valoriser. L'on connaît, sous d'autres cieux, les "success stories" de collectivités qui, ayant protégé leurs noms, ont obtenu des fortunes par des stratégies adaptées de valorisation.


La seconde difficulté, plus sérieuse, est liée au fait que cette marque, Assinie, est trompeuse lorsqu'elle est utilisée pour désigner une eau dont la source, selon son producteur, vient "des profondeurs de la ville de Bonoua » où elle est produite. La ville de Bonoua est située à 41 kilomètres d'Assinie qui n'est finalement en rien concernée par cette eau minérale...


Enfin, de manière plus décisive, l’article 3 annexe VI de l'Accord de Bangui portant protection des indications géographiques interdit tout enregistrement d'une marque contenant ou constitué d'une indication géographique  : « Est refusé ou invalidé tout enregistrement d’une marque de produits qui contient, imite une indication géographique ou est constituée par une telle indication ou imitation, si l’utilisation de cette indication dans la marque de produits pour de tels produits est de nature à induire le public en erreur quant au véritable lieu d’origine."


La même annexe édicte également en son article 6-4 : "Est illicite, l’utilisation dans la désignation ou la présentation d’un produit, de tout moyen qui indique ou suggère que le produit en question est originaire d’une région géographique autre que le véritable lieu d’origine d’une manière qui induit le public en erreur quant à l’origine géographique du produit. »


Le ton péremptoire de l'article 3 susvisé suggère que l'OAPI dispose du pouvoir de refuser ou invalider d'office de tels enregistrements dont l'annulation peut toujours être obtenue devant les juridictions des Etats membres.


Le moyen tiré de la notoriété n’est pas recevable devant l’OAPI

Le sieur M. BARRY ayant déposé la marque FACEBOOK ENERGY en classe 32 (boisson énergisante), la société FACEBOOK Inc. y a formé opposition et revendication de propriété, les deux procédures étant essentiellement fondées sur la notoriété antérieurement acquise de la marque FACEBOOK. Les deux actions de FACEBOOK Inc. seront rejetées par le Directeur Général de l'OAPI. Saisie, la Commission supérieure de recours de l'OAPI a rendu deux décisions.


La première décision a confirmé celle du Directeur Général et rejeté l'opposition au motif que le moyen tiré de la notoriété de la marque FACEBOOK sur le fondement de l'article 6 bis de la Convention de Paris ne peut être excipé dans le cadre de la procédure d'opposition, laquelle doit reposer sur un droit antérieur "enregistré" et indiquant qu'en vertu de l'article 6 Annexe III ABR 1999 (Article 5 Annexe III ABR 2015), ce moyen relève  du contentieux de l'annulation dont la compétence relève exclusivement des juridictions judiciaire des Etats membres.


La deuxième décision rendue le même jour, rejette la revendication de propriété de FACEBOOK Inc. contre la marque FACEBOOK ENERGY, motif pris cette fois ce que i) FACEBOOK INC. n'a pas produit de preuves suffisantes de l'usage antérieur de la marque «FACEBOOK» revendiquée sur le territoire des Etats membres de l 'OAPI en rapport avec les produits de la classe 32 et ii) que le moyen tiré de la notoriété au sens de l'article 6bis de la Convention de Paris relevait des seules juridictions judiciaires des Etats membres dans le cadre de l'action en annulation de l'enregistrement.


L'on peut s'interroger sur le bien-fondé du motif tiré de l'"irrecevabilité" du moyen tiré de la notoriété de la marque dans le cadre de l'opposition ou de la revendication de propriété dans la mesure où celle-ci n'était élevée par FACEBOOK Inc. dans ces différentes procédures que pour réclamer la protection renforcée accordée aux marques notoires du fait de leur exposition et du risque accrû de confusion qui en résulte. Dès lors, ce moyen ne peut-il pas être évoqué devant l'OAPI à l'appui de la démonstration de l'existence du risque de confusion en vue d'obtenir des offices de protection le refus ou l'invalidation d''un enregistrement comme prescrit par l'article 6 bis  de la Convention de Paris et l'Accord ADPIC ?


« Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office, si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage de fabrique ou de commerce que constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction susceptible de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires, il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d’une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci ..."


La marque notoire est celle connue d’une très large fraction du public. Afin de limiter les pratiques de parasitisme, elle bénéficie d’une protection spécifique qui lui permet de faire échec aux principes de territorialité et de spécialité du droit des marques : elle peut être protégée dans son domaine d’activité même si elle n’a pas été déposée sur un territoire donné. A certaines conditions, elle peut même être protégée pour une classe de produits autre que celles protégées par le dépôt (et ainsi faire échec au principe de spécialité) : (1) les produits et services pour lesquels l’autre marque est utilisée ou pour laquelle la protection est demandée ne sont pas identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque notoire a acquis sa réputation ; (2) l’utilisation de l’autre marque indiquerait un lien entre ces produits et ceux de la marque notoire ; (3) cet amalgame risquerait de nuire aux intérêts de ce dernier (article 16 ADPIC).


Les décisions rapportées peuvent laisser présager de temps incertains pour les titulaires de marques notoires.