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Saisie-contrefaçon : étendue des pouvoirs de l’huissier de justice

La Cour de Cassation française rappelle dans cet arrêt que les pouvoirs de l’Huissier pratiquant une saisie-contrefaçon ne sont pas extensibles, bien au contraire. Cette mesure probatoire exorbitante échappant au droit commun (autorisée ex-parte et portant atteinte au droit de propriété en cas de saisie réelle), est soigneusement encadrée et n’est mise en œuvre que dans les limites strictes du titre judiciaire l’ayant autorisée, sous peine d’irrégularité de fond sanctionnée par la nullité.

En droit OAPI, les articles 64, Annexe I et 48, Annexe III de l’Accord de Bangui permettent, sur autorisation de la juridiction compétente, de « faire procéder…, à la désignation et description détaillées, avec ou sans saisie, des objets prétendus contrefaisants ». Transposées au cas d’espèce, ces dispositions interdiraient de même à l’Huissier d’étendre le champ de la saisie à des objets argués de contrefaçon (même à raison) trouvés sur le terrain, si ces derniers n’ont pas été visés dans la requête par le demandeur et repris dans l’ordonnance.

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Dans la CEDEAO, associer enregistrements OAPI et local pour assurer la protection des DPI

La région Afrique de l’Ouest rassemble des Etats regroupés au sein de la CEDEAO, parmi lesquels des pays francophones et anglophones. Le premier groupe, formé de dix Etats que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Togo, relève d’un ensemble plus large de dix-sept Etats francophones, tous signataires de l’Accord de Bangui régissant la protection et la défense des droits de propriété intellectuelle (DPI) en son sein et instituant une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI), tandis que chacun des Etats du second groupe, que sont la Gambie, le Ghana, le Libéria, le Nigeria et la Sierra-Leone, relève de sa propre loi nationale en matière de protection des DPI.

En vertu du principe de territorialité, les titres protégés en OAPI uniquement ne recevront aucune protection dans ces Etats. Par ailleurs, la proximité géographique de ces deux groupes d’Etats – pratiquement tous frontaliers les uns des autres – ainsi que la perméabilité des frontières ne permettent certainement pas de cloisonner les zones d’exploitations: dans la majorité des cas, les produits vendus dans un Etat membre de l’OAPI, même en vertu de clauses d’exclusivité, infiltreront le pays voisin non-membre où ils seront, sans protection locale, soumis à un risque incontrôlé de contrefaçon.

Le risque ultime réside dans l’éviction du titulaire du titre OAPI par l’enregistrement du même DPI par un tiers dans le pays non-membre de l’OAPI.

Pour tenir compte de cette particularité, Il est recommandé, lorsque l’on exploite une marque ou un autre titre de propriété industrielle dans les Etats OAPI d’Afrique de l’Ouest, d’en étendre la protection dans chacun des pays de la région non-membres de cette organisation.

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Critères irréductibles pour résister à l’action en radiation pour défaut d’exploitation.

La Cour de cassation de Côte D’Ivoire rappelle deux critères irréductibles que doit vérifier l’usage allégué d’une marque pour résister à l’action en radiation pour défaut d’exploitation.

Tout d’abord, l’usage doit être personnel au titulaire de la marque, soit que le titulaire exploite lui-même sa marque, soit que cet usage s’effectue de son chef par un tiers, agissant du chef du titulaire. Dans ce dernier cas, cet usage, pour être opposable aux tiers, doit avoir fait l’objet d’un contrat écrit, enregistré à l’OAPI et publié.

Ensuite, l’usage doit mettre en œuvre la marque « telle qu’enregistrée » et non un succédané de celle-ci, et cet usage doit être effectué à titre de marque, c’est à dire lui permettant de remplir sa fonction de distinction des produits. Dans cette espèce, la partie poursuivie avait tenté de rapporter la preuve de l’usage par constat d’huissier portant sur un signe constituant une reproduction partielle de la marque enregistrée et utilisée par un tiers, qui plus est sur des cartons d’emballages et non sur les produits eux-mêmes. La Cour d’appel avait rejeté l’action. Son arrêt est ainsi cassé.

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La CCJA met fin à l’immunité d’exécution des sociétés d’économie mixte

Dans son arrêt N° 267/2019 rendu le 28 novembre 2019, la haute juridiction semble avoir mis fin (définitivement ?) à ses hésitations précédentes en jugeant que l’acte uniforme portant droit des sociétés commerciales n’instituant que des sociétés de droit privé, la participation, même majoritaire d’une personne morale de droit public au capital d’une société régie par ledit acte uniforme ne peut lui conférer le statut d’entreprise publique, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir de l’immunité instituée l’article 30 de l’acte uniforme portant voies d’exécution.

En se détournant de sa dernière ligne jurisprudentielle[1] qui reconnaissait l’immunité d’exécution à des sociétés de droit privé au seul motif qu’elles étaient reconnues comme telles par le droit national (souvent parce que détenues majoritairement par une personne morale de droit public ou exécutant des missions de service public), la CCJA retourne aux fondamentaux, redonnant aux actes uniformes la primauté qui leur est reconnue par le Traité de Port-Louis sur le droit interne des Etats membres de l’Ohada, ce qu’elle avait déjà affirmé dans un arrêt N° 103/2018 du 26 avril 2018 :

« le débiteur poursuivi est une société anonyme dont le capital social est détenu à parts égales par des personnes privées et par l’Etat du Congo et ses démembrements ; qu’une telle société étant d’économie mixte, et demeure une entité de droit privé soumise comme telle aux voies d’exécution sur ses biens propres ».

[1] Deux arrêts, N° 259 et 260 rendus le 13 décembre 2018, avaient énoncé que l’entreprise d’économie mixte constituée sous forme de société de droit privé bénéficie de l’immunité d’exécution en vertu de l’article 30 AUPRSVE si elle est une entreprise publique au sens du droit interne.